Éditions GOPE, 12.6 x 18.4 cm, 340 pages, ISBN 979-10-91328-31-9, 18 €

Traduction : Marie Armelle Terrien-Biotteau

samedi 27 février 2021

On en a parlé sur Babelio

Articles originaux

 

5/5 ★

Sevlipp

Je confesse que je ne connaissais pas Martin Booth, écrivain britannique.

Gweilo, c’est le Hong Kong des années 50 vu à travers ses yeux d’enfant de 7 à 9 ans.

Il est tombé amoureux du pays et cela transpire à chaque page. Si vous aimez l’Asie, vous ne lâcherez pas ce livre. Vous aurez l’impression de sentir les odeurs, d’entendre le brouhaha, d’aller à la rencontre de la population.

L’enfant est libre, audacieux, curieux de tout (les aliments, les gens, les animaux, les paysages).

Le récit est descriptif, les rues détaillées, les quartiers pauvres dessinés. On croise des échoppes d’opium, des pousse-pousse, des incendies, on prend les transports locaux dans le bruit et la chaleur.

Le style est agréable, léger, adapté aux souvenirs.

C’est aussi, un témoignage d’amour à sa mère ; femme libre, moderne et lumineuse.

On sourit souvent.

Bref, j’ai adoré !

cmpf 

Je suis ravie d’avoir une fois de plus reçu un des livres que j’avais sélectionné. Et je crois que le hasard a fait le bon choix.

Martin Booth a écrit d’autres livres mais apprenant sa mort prochaine d’une tumeur au cerveau, il a voulu revenir sur les années de sa prime enfance entre 7 et 10 ans.

Son père Ken est nommé à Hongkong comme ravitailleur. Il aimerait ne pas s’encombrer de son fils qu’il méprise comme il méprise tout le monde sauf ses supérieurs, mais il n’en est pas question pour Joyce, la mère. le couple n’est pas assorti, autant la mère est sans préjugés, drôle et toujours active (même si c’est surtout pour s’amuser), autant le père est étroit d’esprit, toujours préoccupé des consignes, incapable d’une action spontanée, et surtout aigri parce qu’on ne le reconnaît pas selon lui à sa juste valeur.

Ils s’embarquent donc tous les trois sur le Corfu, avec quelques escales. Enfin Hongkong. Mère et fils vivent à l’hôtel et le père part pour le Japon. C’est d’abord à partir de cet hôtel que le jeune garçon va explorer, en dehors de ses heures d’école, toutes les rues, les échoppes. Sa curiosité, son absence à lui aussi de préjugés et sa blondeur porte-bonheur lui ouvrent de nombreuses portes et lui permettent de créer de nombreux liens avec les habitants. Il apprend même assez de la langue locale pour échanger.

Lorsqu’un appartement leur est alloué sur les hauteurs, ils prennent un couple de domestiques. Et c’est un autre environnement que Martin explore. Sur le Peak, ils vivront aussi un typhon.

Très proche de sa mère, Martin l’accompagne parfois dans ses pérégrinations à elle, dans un salon de thé russe par exemple.

Tous deux supportent mal l’homme avec qui ils vivent. Il faut dire que s’il ne touche pas à sa femme qui pourtant le remet à sa place assez souvent, il se venge volontiers sur son fils de ses frustrations. J’ai eu du mal à comprendre la non-intervention de la mère dans ces cas-là.

Son enfance hongkongaise l’a beaucoup marqué, la famille y reviendra d’ailleurs quatre ans plus tard, mais ça c’est une autre histoire.

J’ai aimé explorer cette île avec Martin, mais j’aurais tellement aimé qu’un cahier photographique, voire une carte, avec indiqués les lieux principaux soit glissé dans les pages.


5/5 ★

maripole

Quand Martin, jeune garçon de 7 ans, embarque à bord du paquebot Corfu en fin d’après-midi du vendredi 2 mai 1952, il est loin de se douter (en est-il même capable ?) que ce voyage va bouleverser sa vie à jamais. Son père Ken étant nommé à HK pour servir sur un navire ravitailleur de la Royal Fleet Auxiliary, il fut décidé que la famille s’expatrierait sur l’Asie.

La traversée jusqu’à Hong Kong prit un mois, avec sept escales, qui furent toutes synonymes d’aventure.

Arrivé à destination, installé dans un hôtel dans la péninsule de Kowloon, le jeune Martin ne tarde pas à se faire à sa nouvelle vie. Il pourrait se comporter comme un jeune enfant expatrié, mais il se lance tout de suite à la découverte de son environnement.

Père absent, mère très ouverte d’esprit, mais peu regardante sur l’emploi du temps de son jeune enfant, Martin se lie d’amitié avec les coolies, les marchands ambulants, les vagabonds, le personnel de l’hôtel. Il maîtrise le Cantonais très rapidement. Il est à l’aise avec son entourage, qui le lui rend bien. (Sa chevelure blonde, porte-bonheur pour les Chinois, lui ouvre bien des portes !). Les Chinois ont de tout temps été très généreux et patients avec les enfants.

Truffé de références historiques, Martin Booth nous peint dans cet ouvrage un tableau de la culture chinoise au début des années 1950.

Martin Booth a rédigé cette autobiographie au début des années 2000 et l’on serait tenté de se demander comment il a pu retenir tout ce qui a fait son enfance sur Hong Kong. Naturellement, il n’avait pas tenu de journal, même s’il prétend avoir une mémoire efficace, il s’en est référé aux notes et photos prises par sa mère, aussi enthousiaste et passionnée que lui de HK.

Gweilo est l’histoire d’un enfant qui ne semble pas pâtir du manque d’amis de son milieu social, mais qui s’épanouit au contact de figures adultes locales, qui lui témoignent à leur tour respect et affection. Voici une enfance extraordinaire, libre de toute contrainte (l’époque et l’environnement s’y prêtaient peut-être davantage que maintenant).

On retiendra l’habilité de l’auteur à nous transporter dans un monde qui n’existe plus, et surtout toute son affection pour cette colonie britannique d’Asie, qui ne le quittera jamais et qui ne quitte jamais toute personne y ayant résidé.

Gweilo commence et se termine par un voyage en bateau le lundi 2 mai 1955, avec le retour sur l’Angleterre. Ce séjour en Europe ne sera que temporaire. La famille Booth fait un retour définitif sur l’Asie 4 ans plus tard pour le plus grand bonheur de Martin et de sa mère.

Selon Wikipedia, « Gweilo » est un terme chinois cantonais correspondant aux deux caractères 鬼佬 pour désigner un étranger de race blanche, en particulier ceux de Hong Kong (grande communauté d’expatriés occidentaux).

Le premier des deux caractères chinois composant le terme (鬼) signifie fantôme d’après la couleur de la peau et le second (佬), qui signifie homme, individu.


lundi 3 juillet 2017

Hong Kong : Gweilo, récit d’une enfance hongkongaise ou le monde d’avant la Rétrocession

 Alors que le monde – enfin, surtout la république populaire de Chine – a célébré en liesse le 20e anniversaire de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à l’Empire du milieu ce 1er juillet, il nous a paru bon de revenir au temps d’avant (et non à celui « béni des colonies »), au temps où un petit garçon prénommé Martin découvrait Hong Kong à l’aune de ses 7 ans, en 1952. Gweilo, Récit d’une enfance hongkongaise (1952-1955) est paru en 2016 aux éditions Gope sous la plume de Martin Booth et grâce à la traduction de Marie Armelle Terrien-Biotteau.

Des tramways sur l’artère de Hennessy Road sur l’île de Hong Kong en 1950. (Crédit : AFP PHOTO / PANA).

Dans ce récit à la première personne, l’auteur anglais, Martin Booth (1944-2004), un poète, romancier, biographe et éditeur nous fait partager sa mémoire d’un Hong Kong bien vivant où ses pas le portèrent en 1952 suite à l’affectation de son père auprès de la marine britannique. Et c’est un Hong Kong insoupçonné qui s’ouvre alors à nous, car comme le dit si bien l’auteur dans sa préface :

« A dire vrai, je n’ai jamais complètement quitté Hong Kong, ses rues, ses collines, ses vallées boisées, ses myriades d’îles et ses rivages déserts si familiers au garçonnet de 7 ans que j’étais, curieux, parfois retors, audacieux et inconscient des dangers de la rue. (…) Tout ceci n’est guère surprenant – Hong Kong fut mon chez-moi ; c’est là que j’ai passé mon enfance, c’est là que sont mes racines et c’est là que je suis devenu un homme. »

Il ne s’agit pas ici d’un roman d’apprentissage au sens strict du terme puisque l’auteur ne nous fait part « que » de ses sensations – et la tâche est déjà colossale ! Mais on sent bien poindre entre les lignes de son récit un sentiment diffus mêlant la découverte d’un « nouveau » monde patiné de la perte d’un « ancien » qui le guide vers une remise en question des usages, vers une définition de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas.

Au travers de ce récit, c’est un monde daté et mort – celui de la vie à Hong Kong au cœur des années 50 – qui nous est donné de voir, mais aussi et surtout celui d’un jeune homme blanc qui vit dans un monde chinois. A ce titre, on ne peut que sourire à l’évocation de son arrivée à l’école nommée « Kowloon Junior » et surtout du trajet pour s’y rendre. C’est à l’occasion de ces anecdotes que l’on apprécie le sens du détail et surtout la mémoire vive de l’auteur qui se souvient avec précision du trajet depuis son logement, le Forseas Hotel sis au 75 Waterloo Road à Kowloon jusqu’à la cour de l’école. Ainsi, c’est en autant de découvertes et de déconvenues qu’un monde s’ouvre à nous, un monde avec ses codes de conduite tacites aussi marqués que l’uniforme du père du narrateur ou que la place dont jouit sa mère dans la « bonne » société coloniale.

Enfin, c’est aussi bien sûr un pan de l’histoire de la région qui nous est ici conté avec ses soubresauts, ses particularismes et ses aspérités – la différence entre le Kuomintang et les communistes semble d’ailleurs assez ténue pour un jeune garçon anglais fraichement débarqué de la capitale de l’Empire britannique.

Au final, ce pan d’histoire se résume presque entièrement à la définition du terme « Gweilo », mot d’argot cantonais qui se traduit littéralement par « pâle individu » mais qui suggère plutôt un fantôme ou un diable. Car c’est bien comme un fantôme livré à lui-même dans le cours du temps que nous découvrons en compagnie du jeune Martin Booth un Hong Kong vivant, multiculturel, multicultuel, bigarrée, triste et joyeux, difficile et merveilleux ; véritable terrain de jeu incessant pour un garçon aux yeux ouverts (et à la langue bien pendue).

Antoine Richard, Asialyst

vendredi 11 novembre 2016

Il n’a peur de rien et surtout pas de l’inconnu



Le Gweilo, en cantonais, (« étranger de race blanche », on dirait Farang en Thaïlande), c’est un blondinet de 7 ans qui débarque à Hong Kong où son père est nommé, en 1952.

Venu de la grisaille de l’Angleterre, il découvre avec stupéfaction, puis passion les rues qui allaient devenir son grand terrain de jeu et où il serait bientôt connu de tous. Il a l’immense chance d’avoir une mère intelligente qui le laisse vadrouiller après l’école. Il n’a peur de rien et surtout pas de l’inconnu. Ses cheveux blonds le protègent (les toucher porte bonheur et personne ne s’en prive, c’est son laissez-passer), et le livre est le récit très bien écrit, plein d’humour et autobiographique de ses découvertes et ses rencontres qu’on imaginerait bien en bande dessinée : les coolies « aux petits chapeaux en forme de dôme », les oiseaux dans leur cage de bambou accrochés aux fenêtres, les commerçants aux marchandises bizarres, les jonques de pêche...

C’est le Hong Kong très coloré des années 50 et c’est aussi celui de la cruauté de la vie en Orient, de la pauvreté des Chinois qui ont fui les communistes et ont tout perdu, mais c’est parallèlement une colonie anglaise qui procure une vie luxueuse à ses expatriés, dont la mère et l’enfant aiment bien profiter – thé dans les grands hôtels, shopping et country club, et beaucoup de verres de gin-tonic pour le père.

Trois années cela passe vite, il a fallu se préparer à rentrer « chez nous » que ni la mère ni l’enfant ne considéraient plus comme chez eux ; il faut faire les adieux et choisir les cadeaux, et après avoir acheté deux sauterelles porte-bonheur, ils gravissent lentement la passerelle du paquebot, la mère en larmes. Il avait 10 ans, parlait un peu cantonais et très bien le pidgin, un pan de sa vie se refermait.

Heureusement, le livre s’achève par ces mots : « Quatre ans plus tard, exactement comme l’avait prédit ma mère, mon père était fonctionnaire colonial et nous étions de retour. Pour de bon. » Et nous, nous sommes bien contents pour lui !

Martin Booth (1944-2004) a écrit Gweilo peu avant de mourir d’un cancer, en Angleterre, en 2004. Poète, romancier, biographe, éditeur et scénariste, il a plus de 70 ouvrages à son actif, dont certains ont pour cadre l’Asie et la Seconde Guerre mondiale.

M.G.
Gavroche Magazine, N° 264 , octobre 2016

lundi 10 octobre 2016

Une enfance hongkongaise

Article original


Dans Gweilo, Martin Booth raconte avec talent le Hong Kong des années 1950, les immenses camps de réfugiés à Kowloon, la société coloniale et la découverte de la culture cantonaise par un jeune Occidental. 

Martin Booth est un écrivain britannique né en 1944. Ses nombreux ouvrages évoquent principalement le passé impérial britannique en Chine, à Hong Kong et en Asie.

« Je n’ai jamais complètement quitté Hong Kong, ses rues et ses collines, ses myriades d’îles et ses rivages déserts si familiers au garçonnet de 7 ans que j’étais, curieux, parfois retors, audacieux et inconscient des dangers de la rue. »
Le ton est donné tout de suite : franc, sincère et direct.

C’est à la demande de ses enfants, alors qu’il était atteint d’un cancer incurable du cerveau, qu’il décida de raconter à leur intention  son enfance hongkongaise, notamment ses jeunes années qu’il passa à Hong Kong début des années 1950. Il acheva son récit en 2003, juste avant son décès, en 2004. L’ouvrage intitulé simplement Gweilo, a Memoir of a Hong Kong Childhood a eu un grand succès.  Gweilo, « démon étranger », est le nom que l’on donne familièrement aux hommes blancs dans la langue cantonaise. La version française, traduite par Marie Armelle Terrien-Biotteau, vient de sortir aux éditions Gope sous le titre de Gweilo, récits d’une enfance hongkongaise.

« Ma mère était aussi déterminée et tenace qu’un bull-terrier »

Disons-le tout de suite,  plus que de simples souvenirs, il s’agit du livre d’un romancier et il se lit d’une seule traite. Les personnages principaux sont au nombre de trois : Martin, l’enfant à la tête blonde, espiègle et téméraire, décrit ci-dessus, et ses parents, Joyce et Ken, eux aussi promptement campés par l’auteur.

« Ma mère était très jolie, agile et menue, et avait une chevelure d’un blond vénitien ; quant à mon père, un beau brun mince, il évoquait presque un type latino-américain. On aurait pu croire qu’ils formaient le couple idéal, et pourtant il n’en était rien. Drôle, ma mère avait l’esprit vif, beaucoup d’humour, une grande facilité de nouer des relations avec des gens de milieux très différents et une curiosité intellectuelle très aiguë. De plus, elle était aussi déterminée et tenace qu’un bull-terrier. En revanche, mon père était un encroûté extrêmement pointilleux et sans grand sens de l’humour. En outre, il était aigri et son aigreur ne fit que s’accentuer au cours des ans. Il en vint à tenir toutes ses relations à distance, se considérant supérieur à la plupart de ses contemporains. »

Traversée maritime et découverte de la culture cantonaise

Les conflits à l’intérieur du couple ne peuvent donc qu’être inévitables et ponctuent toutes ces années hongkongaises. L’ouvrage commence comme un récit de voyage avec la description et les péripéties de leur traversée en mer sur un bateau, le Corfu, de Southampton à Hong Kong. À Alger, où dans la casbah la mère se fait cracher dessus par un chameau, en Égypte ; à Port-Saïd, dans le musée des antiquités égyptiennes – le père, qui ne quitte pas son complet-veston sous une chaleur accablante, se voit surnommé par l’équipage, « le contre-amiral en culotte de peau » ; à Bombay, dont les excréments de vache sacrée et d’éléphants indisposent la mère. Colombo est paradisiaque. À Georgetown, ils se font attaquer par des singes et Singapour est en lutte contre les communistes.

Une traversée racontée avec de multiples détails et beaucoup d’humour, avant l’arrivée finale à Hong Kong, un 2 juin, sous un ciel couvert.

C’est sur la péninsule de Kowloon qu’ils s’installent, au Grand Hotel dans un premier temps puis dans des chambres contiguës avec un balcon au Fourseas Hotel, sur Waterloo Road. La façade donnait sur le trottoir et, de l’autre côté, était une colline escarpée et pelée sans végétation. L’hôtel abritait des familles d’expatriés britanniques, des hommes d’affaires, mais aussi des militaires en transit et, sur l’arrière, un étage mystérieux interdit au jeune garçon qui abritait des filles de joie pour distraire les militaires qui faisaient, explique le maître d’hôtel au jeune garçon innocent, des « sauti sauta » et « gigoti gigota » avec eux.

C’est à partir de cet hôtel que commence l’exploration du jeune garçon, protégé par ses boucles blondes – signe de bonne chance pour les Chinois, qui veulent tous les toucher. On le suit dans ses pérégrinations dans les ruelles de la ville, ses rencontres avec les garçons d’hôtel, tous réfugiés de Chine qui lui racontent leur passé, des coolies dont il décrit la vie très dure.
« On voyait leurs muscles des épaules jouer, les tendons se resserrant et se relâchant sous la peau, ils avaient le teint cireux, la poitrine creuse et la peau du cou tirée. Leur espérance de vie ne dépassait pas les 35 ans. »

C’est sous ses yeux une découverte constante de la culture cantonaise, de la cuisine, des traditions, fêtes et funérailles par un ensemble de détails et de traits vivants de diseurs de bonne aventure, de moines, de membres de triades et vendeurs en tous genres sur les marchés. Sa mère est souvent complice alors que son père se raidit dans sa dignité, de peur que sa femme ne se déshonore avec des Chinois de bas étage.

Des théières d’argent et quatre confitures différentes

D’un autre côté, il y a l’aspect colonial, lorsque par exemple sa mère l’emmène au thé de l’après-midi à l’hôtel Peninsula, où ils s’installent dans le hall « entourés de colonnes dorées et accompagnés par un quatuor à cordes… On nous apporta des théières en argent contenant du thé indien à la bergamote ou au jasmin ; les théières reposaient sur des réchauds à alcool, le thé était accompagné de sandwiches aussi minces que du pain d’ange et de petites pâtisseries exquises. Pain et beurre étaient servis avec quatre confitures différentes. Ma mère était au septième ciel, elle avait l’impression de mener une vie de star. Lorsque, discrètement, l’addition lui fut présentée, elle blêmit. »

La famille habitera ensuite au Peak, haut lieu des colons alors interdit aux Chinois. Le père achètera une Ford Consul et ils exploreront les Nouveaux Territoires.

Ce livre de plus de 300 pages est à la fois un document historique et un récit écrit avec style.
[…]

Gérard Henry
6 octobre 2016

samedi 10 septembre 2016

Le petit Marcel au port parfumé

Article original en ligne


Le sens de Hong Kong (香港,Xianggang) est « port parfumé » et le jeune héros, qui séjourne entre sept et dix ans de 1952 à 1955, ressemble bien au narrateur de La gloire de mon père. C’est le récit d’une enfance de rêve, avec une belle reconstitution de l’esprit d’un enfant qui parfois sent plus qu’il ne comprend et dans d’autres situations a sa propre interprétation originale des situations. Comme pour Marcel Pagnol, une forte tendresse entre la mère et l’enfant est approchée ; les relations entre le narrateur et son père sont plus complexes mais bien dans les rapports d’autorité de l’époque.

Ce qui surprend le plus, mais respire l’authenticité, c’est l’aimable protection que les gens de cette colonie britannique accordent à l’enfant. Du fait que ce jeune Gweilo (鬼佬), où le premier idéogramme désigne le fantôme, c’est-à-dire « étranger de race blanche », parle rapidement un peu le cantonnais et très bien le pidgin local, il bénéficie de privilèges. Il accède à des endroits, dont la partie de Kowloon (enclavée dans la Colonie) que les traités avaient laissé devenir une zone de non-droit du fait qu’elle n’était pas sous juridiction britannique et où les gouvernements chinois successifs étaient empêchés par les Britanniques d’exercer une quelconque autorité.

En ce début des années cinquante, notre jeune héros rencontre des personnages pittoresques assez souvent traumatisés par des événements qui se sont déroulés entre 1917 et 1949. Citons cette femme russe, femme d’un officier tsariste (mort lors de la Révolution bolchevique), qui a vraisemblablement vécu à Shanghai comme maîtresse de riches Chinois dans l’entre-deux-guerres et qui a souffert de la guerre sino-japonaise pour se retrouver à Hong Kong où elle vit misérablement en vendant ces derniers bijoux. D’autres personnages, des Chinois, qui vivaient dans un certain luxe jusqu’à l’arrivée de l’Armée rouge dans leur village, se retrouvent également dans des situations précaires. La résistance antijaponaise est contée par certains de ses acteurs.

L’intérêt scatologique des enfants de cet âge est rendu de façon amusante et avec une certaine retenue. Le regard décalé du jeune héros et sa relative naïveté sont sources de situations comiques :

« [...] ce qui m’interloqua fut de voir le marin, sous mon regard, glisser la main dans l’une des fentes de la robe et pincer les fesses de la jeune femme. Elle ne manifesta aucun signe de réprobation et je me demandai si c’était la façon dont on saluait toutes les Chinoises. » (page 46)


Le livre se clôt en annonçant que le départ de 1955 serait suivi par un retour en 1959.

Coup de cœur !

Par Xirong, 5 septembre 2016
Grégoire de Tours (projet collaboratif de critiques de livres d'Histoire)

samedi 27 août 2016

Les livraisons commencent...

Gweilo vient de paraître et reste en prévente à un tarif avantageux jusqu'à ce qu'il soit disponible chez votre librairie ou plateforme préférées (Amazon, FNAC, Decitre, Chapitre, etc.).



À Hong Kong, vous pourrez bien sûr acquérir votre exemplaire à la librairie Parenthèses !

dimanche 14 août 2016

Gweilo, un livre incontournable

Rewind, book: ‘Gweilo’ by Martin Booth

Son père était un fonctionnaire qui avait un penchant pour la boisson et une fâcheuse tendance à dénigrer les Hongkongais. Sa mère était une exploratrice qui recherchait le meilleur de Hong Kong et le partageait avec son jeune fils.
Martin Booth, l’auteur, était un blondinet qui, avec son charme, pouvait se frayer un chemin aussi bien dans les rues animées de la ville que dans les tréfonds de la culture locale. Tandis que ses parents s’éloignaient l’un de l’autre, Martin, dont les boucles dorées étaient considérées par les Chinois comme un bon présage, développa une affinité avec Hong Kong qui est évidente et bien éloignée de ce que peut expérimenter un expatrié de nos jours.

Dans Gweilo, récit d’une enfance hongkongaise (1952-1955), Booth nous narre de façon vivante ses trois années d’aventures dans la ville ; il avait entre 7 à 10 ans.
Son Hong Kong était celui des pousse-pousse et du Country Club, c’était l’époque où la citadelle de Kowloon était toujours debout et présentait un attrait irrésistible pour un jeune Britannique. La Colonie était encore un endroit où un petit fonctionnaire pouvait se permettre d’offrir à sa famille une vie très luxueuse, à commencer par un grand appartement sur le Peak.

Mount Austin Mansion (Gwulo: Old Hong Kong)

Le jeune Booth côtoyait les coolies, les moines, les diseurs de bonne aventure et les membres de triade, mais il prenait aussi son goûter au Peninsula et son dîner dans une pâtisserie russe. Les squatters vivaient non loin des riches et le jeune garçon allait librement d’un monde à l’autre.


Tkachenko’s (Gwulo: Old Hong Kong)

Bien que raconté avec la perspective d’un enfant de 8 ans […], Gweilo est ce qu’il se fait de mieux dans le genre récit d’expatriation et, depuis sa publication en 2004, il reste un livre incontournable pour qui veut venir vivre ici. La plupart des nouveaux arrivés ont ressenti un enthousiasme similaire à celui dont nous fait part le jeune narrateur, comme se délecter des expressions imagées du cantonais ou s’émerveiller devant l’énergie débordante qui se dégage des lieux.
Le Hong Kong de Booth est à la fois très différent et très proche du Hong Kong de nos jours, avec ses weekends passés à la plage, son exubérance, ses mystères et ses mamasans. Par ailleurs, Gweilo met en relief les différences entre le Hong Kong post-rétrocession, qui se rapproche de plus en plus de la Chine continentale, et celui de l’époque excitante de l’Empire quand même Mong Kok avait un petit air britannique.

Booth a écrit Gweilo peu avant de mourir d’un cancer, en Angleterre, en 2004. Son récit est à la fois un document historique sur la Colonie et aussi une référence grâce à laquelle les expatriés d’aujourd’hui pourront donner tout son sens à leur place ici.
Gweilo est aussi un bel exemple de biculturalisme vers lequel tendre.

Hamish McKenzie
South China Morning Post, juin 2013